COLLOQUE DES 20 ANS DU GERCPEA
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Introduction au colloque des 20 ans du GERCPEA et des 100 ans de l’ API (26 et 27 novembre 2010)
Au nom du GERCPEA, je vous remercie d’être présents aujourd’hui pour fêter avec nous cet anniversaire de 20 ans qui se conjugue avec les 100 ans de l’API. Je remercie nos orateurs principaux qui ont immédiatement répondu partants à notre invitation et avec lesquels nous avons souvent des échanges passionnants et très vivants. Tous sont dans un processus de réflexion permanent sur la psychanalyse et les pratiques psychanalytiques. Leurs idées et leurs conceptions des dispositifs de soin sont sous-tendues par un mouvement qui ouvre sans cesse sur de nouveaux horizons ainsi que par un souci de l’éthique qui leur est fondamental. Je profite aussi de cette introduction pour remercier très vivement tous nos collègues qui ont osé se lancer dans l’aventure du GERCPEA.
Il y a cent ans, en 1910, au congrès de Nuremberg, Freud crée l’Association Psychanalytique Internationale (API). Il y présente sa conférence intitulée « Perspectives d’avenir de la thérapeutique analytique ». Pour la première fois, il y parle du contre-transfert et il évoque, pour le futur psychanalyste la nécessité de se former et de « subir une analyse ». La même année, il écrit un essai sur la « psychanalyse sauvage » où il dit son inquiétude devant l’exercice de la psychanalyse par des praticiens sans formation psychanalytique. En créant l’API qui énonce « des règles et des normes qui valident la qualification professionnelle dans l’exercice de la pratique psychanalytique », Freud désire tenir à l’écart les charlatans. Ceci a permis de lester les analystes de l’API d’une identité singulière, différente de celle des autres thérapeutes par rapport à laquelle ceux-ci se déterminent et se positionnent d’autant plus que le champ clinique de la psychopathologie et des « pratiques psychanalytiques » a largement dépassé celui de la cure-type.
Il y a 20 ans, le GERCPEA s’est constitué autour d’un groupe de psychiatres et de psychologues de formation psychanalytique, originaires de Belgique, de France et du Luxembourg. Nous avions eu l’idée de proposer d’organiser des séminaires, des conférences et des journées d’études où seront discutées et commentées certaines questions posées par la clinique et ceci en référence à la théorie psychanalytique.
Le nom du GERCPEA avait été le fruit d’échanges fructueux entre nous au moment de sa création. G comme « Groupe » car nous sentions, tous, l’importance de fonder un groupe qui aurait une identité propre, au-delà des appartenances à nos sociétés de psychanalyse mais aussi dans le désir de ne pas rester isolés au sein de cette grande région et d’être nourris par les pensées d’autres collègues, d’autres pays et d’autres origines. E comme « Etude » dans l’idée d’une certaine rigueur intellectuelle, de l’importance donnée à la connaissance tout en la relativisant avec le R de « Recherche » pour exprimer que nous sommes dans un processus constant de mouvements et de réajustements psychiques dans notre pratique d’analystes, que nous ne tenons jamais pour définitivement connu ce que nous avons appris. C comme « Clinique », nous trouvions très important de nous fédérer sous cette bannière, notre désir commun de nous attacher à la clinique, à la relation entre deux sujets, à ce qui se joue et se met en scène dans l’espace thérapeutique récepteur et transformateur qui se développe au cours du travail analytique entre le patient, la famille, le groupe et le psychothérapeute. P comme « Psychanalyse » un deuxième terme qui nous a fédérés, l’importance que nous donnons aux dimensions de l’inconscient, à ce qui peut émerger au cours d’un processus thérapeutique tant chez le patient que chez l’analyste et comment dans le travail qui se déploie, nous essayons de l’accueillir et de le transformer. E et A pour « Enfant et Adulte », parce que nous pensons que la clinique de l’enfant nourrit celle de l’adulte et que la clinique de l’adulte a tout à gagner de donner une place à l’enfant dans l’adulte.
Il y a exactement 20 ans, à 3 jours près, le 23-11-1990, nous tenions notre première journée d’études qui a eu lieu au Château de Munsbach pour ceux qui s’en souviennent. Je reconnais dans la salle certains d’entre vous qui étaient présents à cette journée fondatrice d’une aventure qui dure maintenant depuis 20 ans. Les membres fondateurs de ce petit groupe étaient Marie-France Dispaux, Jean-Marie Gauthier, François Krauss, Nicole Minazio, Jean-Pierre Vidit, Serge Frisch et moi-même. Jean-Marie Gauthier a quitté le groupe mais tous les autres sont là et depuis, nous avons été rejoints par d’autres collègues, Carine De Buck, Claire De Vriendt, Marie-Paule Durieux, Rose-Anne Ducarme, Anne Englert, Denis Hirsch, Joëlle Hullebroeck, Arlette Lecoq, Rita Listik, Thérésa Spadotto qui participent à notre colloque anniversaire et qui s’investissent énormément dans notre groupe. Et je remercie aussi tous ceux d’entre vous qui nous ont été fidèles et nous ont soutenus dans notre projet. Cette journée inauguratrice avait pour thème : « Les premières rencontres du psychanalyste avec son patient ». Marie-France Dispaux y avait fait une conférence intitulée : » Les préludes d’une rencontre : Quelques prémices théoriques » Et j’avais présenté une situation clinique que j’avais intitulée » Les premiers temps de l’aventure avec Pierre, Paul et Jeanne… » J’avais pastiché le titre du film de Claude Sautet, « Vincent, François, Paul et les autres,… » pensant, non seulement aux premières rencontres que nous faisons avec nos patients et nos patients avec nous, mais aussi à cette rencontre que nous étions en train de vivre avec nos collègues en fondant notre nouveau groupe. Le film de Claude Sautet, joué par tous ces acteurs mythiques, était, comme tous ses films, branché sur les mouvements psychiques de ses personnages pris dans les aléas et les remous de la vie et qui essaient, malgré tout, d’avancer. J’avais sans doute le sentiment à l’époque que nous étions, les membres fondateurs du GERCPEA, en train de planter les petites graines qui allaient grandir et se développer tout en me questionnant sur la part d’inconnu que ce cheminement allait nous réserver.
Depuis le GERCPEA a fait du chemin, nous avons organisé de nombreuses journées d’études et initié une formation à «La relation psychothérapeutique et aux interventions cliniques d’approche psychanalytique ». Là aussi, nous nous sommes retrouvés dans notre désir de transmettre la pensée psychanalytique, non pas comme un dogme théorique à ingurgiter à tout prix mais comme une ouverture à l’émergence et l’aléatoire de ce qui peut advenir tout en restant le plus rigoureux possible sur « l’apprentissage » de l’approche psychanalytique. Nous sommes actuellement au 4ième cycle de formation.
En résumé, vous l’aurez compris à travers cet historique, que notre désir était de développer la pensée psychanalytique dans la région et d’essayer de la maintenir la plus vivante possible.
Malgré toutes les attaques auxquelles la psychanalyse est soumise (trop longue, inutile, inefficace et rangée au placard des vieilleries dépassées, remplacée par des approches plus rééducatives ou comportementales) nous sommes persuadés que la pensée psychanalytique a un grand rôle à jouer dans notre société d’aujourd’hui où l’action prime sur la pensée et la soi-disante efficacité sur la réflexion. Notre société consumériste tend à aplatir quelque chose du temps et de la nécessité de pouvoir attendre, désirer, de ne pas pouvoir tout maîtriser et d’être soumis à l’aléatoire de la vie et de ses circonstances. La pensée psychanalytique permet, me semble- t-il, de retrouver une certaine temporalité qui a tendance à s’écraser. Nous sommes aussi frappés, dans nos consultations avec les enfants d’aujourd’hui, de plus en plus aspirés par le virtuel, comment ceux-ci peuvent retrouver le plaisir de jouer et de retrouver le contact avec leur imaginaire en déployant, en notre présence, des scénarios foisonnant avec quelques poupées et quelques figurines d’animaux. Et, si la théorie analytique reste la théorie qui approche au mieux la compréhension de la globalité du fonctionnement psychique, normal et pathologique, mais la manière de l’appliquer doit se réfléchir en fonction des patients, des cadres institutionnels dans lesquels nous travaillons et évidemment aussi en fonction des mandats des institutions dans lesquelles nous travaillons.
Mais, revenons à Freud. Freud donne une triple définition de la psychanalyse qui est :
• un procédé pour investiguer les processus psychiques autrement inaccessibles
• une méthode de traitement des troubles psychiques
• une discipline scientifique.
Ce qui est important dans cette définition, c’est la distinction que Freud fait entre traitement analytique et théorie analytique. Ce qui nous intéresse ici dans ce colloque, c’est de réfléchir non pas seulement à la cure type mais de réfléchir à comment utiliser les références analytiques en dehors de la cure type c’est-à-dire, bien entendu dans tout travail thérapeutique mais, surtout, dans le domaine des soins psychiques et somatiques c’est-à-dire partout où il y a rencontre, ou son corollaire non-rencontre, entre un soignant et une personne en souffrance, que cette dernière reconnaisse ou non cette souffrance.
Comme le souligne Raymond Cahn (2002), les pathologies que nous rencontrons actuellement dans nos consultations sont surtout des pathologies du narcissisme et des problématiques d’emprise, de refus du manque et de la perte.
Dans notre société, le manque devient insupportable et doit être comblé immédiatement et les problématiques plus oedipiennes se voient détrônées au profit de la peur de ne pas être à la hauteur, de l’angoisse narcissique. L’angoisse n’est plus métabolisée par un travail psychique mais elle est endiguée par le soutien concret de l’objet ou de la réalité extérieure, la valorisation du corps propre ou des conduites, par le culte des performances, de la maîtrise technique, de la réussite tangible en quel que domaine que ce soit (Cahn 2002).
Il nous semble que l’idée que la psychanalyse n’aurait plus de raisons d’exister face aux enjeux de la psychopathologie actuelle vienne de la confusion entre la notion de cure-type psychanalytique et la notion « d’outil psychanalytique ».
La cure psychanalytique a encore et toujours ses raisons d’être et à fortiori dans une société qui a tendance à niveler la pensée. Mais la cure psychanalytique relève d’une indication précise dans un contexte précis.
Tandis que l’outil psychanalytique peut être utilisé dans toutes les situations cliniques, de la consultation à l’entretien en service médico-scolaire en passant par la psychiatrie de liaison, la psychosomatique, l’expertise judiciaire etc. Cet outil s’adresse aussi bien à l’individu, au couple, à la famille, au groupe, aux institutions… (Frisch-Desmarez C, Frisch S 2005). Partout « là où surgit l’inconscient », partout où un sujet peut manifester ses angoisses,… à quelqu’un susceptible de les entendre.
J’espère que nous aurons l’occasion d’avoir des échanges riches et ouverts au cours de ce colloque sur ce qu’un dispositif de soin permet et ne permet pas. Les différentes conférences inviteront à la réflexion. Nous avons l’immense plaisir d’accueillir des orateurs prestigieux, S.Bolognini, N.Minazio, S. Missonnier, D.Widlocher, MF Dispaux et R. Roussillon. Et dans les ateliers qui sont animés par les membres du gercpea, nous aurons l’occasion d’approcher de manière plus spécifique certains dispositifs. Comme vous avez pu le voir sur le programme, il y a un atelier bébés, un atelier enfants, un atelier ados, un atelier sur le processus, un autre sur la mise en place des dispositifs psychanalytiques et l’atelier n°6 sur psychanalyse et société. Je voudrais aussi rajouter, et nous l’avons repris dans le titre du colloque, combien notre préoccupation de l’éthique dans le soin est centrale et combien le respect de l’individu dans sa singularité est essentiel pour nous, psychothérapeutes et psychanalystes.